Loin de l'actu surexposée et ressassée des grands média, il y a bon nombre d'événements qui nous interpellent autrement dont on ne parle que peu, presque jamais ou, en tout cas, beaucoup moins qu'il ne faudrait.
Nous avons commencé à passer internet au peigne fin afin d'y repérer et choisir des faits ou sujets hors actu qui vont constituer la matière de notre journal des infos dont on ne parle que plutôt peu.
En voici notre sixième sommaire (30.03.17). Et merci beaucoup à mes élèves pour leurs contributions !
(Impossible de mettre un accent circonflexe sur un mot faisant partie du nom d'un tableau de Pinterest -donc, sur son adresse URL- si l'on veut insérer celui-ci dans un billet de blog)
Nicolas Clément, président du collectif Les Morts de la Rue, rappelle que vivre à la rue tue. Ça use, ça tourmente, ça rend très vulnérable aux aggressions, ça détruit, ça accélère la fin.
C'est Brut
qui interviewa Nicolas Clément et publia l'entretien sous-titré sur sa
chaîne youtube le 22 mars 2017. Comme la vidéo, que j'avais insérée, a
disparu, celle qui s'affiche maintenant sur ce billet est trouvable sur le site de Francetvinfo qui l'a republiée le 24 mars.
OBJECTIFS DU COLLECTIF LES MORTS DE LA RUE
Faire savoir que beaucoup de personnes qui vivent ou ont vécu à la rue en meurent.
Mettre en œuvre et développer les moyens et actions nécessaires :
pour la recherche, la réflexion et la dénonciation des causes souvent violentes des morts de la rue ;
pour des funérailles dignes de la personne humaine ;
pour l’accompagnement des personnes en deuil, sans distinction sociale, raciale, politique ni religieuse.
« Dans la vraie vie, un SDF sur quatre est salarié, avoir un emploi ne garantit plus d’avoir un logement », rappellent une cinquantaine d’associations ayant lancé L’Autre Campagne.
Qui relève quelques chiffres saisissants : 7,5 % des travailleurs
vivent sous le seuil de pauvreté. Certains dorment dans leur voiture, en
squat, au camping...
Par ailleurs, 25 % des personnes sans domicile sont salariées et majoritairement en CDI ! « Mais
elles occupent généralement des emplois à temps partiel pour un salaire
avoisinant les 900 euros par mois, ce qui ne leur permet pas de trouver
un logement dans les zones tendues », soulignent ces associations [2].
Autant de données qui visent à en finir avec la stigmatisation des plus
démunis. Selon la Fondation Abbé Pierre, 141 500 personnes étaient, en
2016, privées de domicile. Entre habitation de fortune, hébergement
collectif ou nuits à l’hôtel, elles risquent en permanence de se
retrouver à la rue, et que la pauvreté et ses conséquences leur soient
fatales.
Il y a quelques jours, j'ai fait une heureuse trouvaille sur internet : le site visionscarto.net, espace d'expression de recherches et enthousiasmes animé par Philippe Rekacewicz et Philippe Rivière depuis la Norvège.
Il s'agit d'un projet soigné avec amour, belle facture et intention : un vrai régal. Voici l'essentiel de leur présentation :
« Visionscarto » est le lieu où pourront s’exprimer tous ceux qui aiment penser et inventer des représentations du monde ; un lieu de recherche et d’expérimentation sur les mille et une façons de visualiser et de « dessiner » le monde, non pas tel qu’il est, mais tel qu’on le voit, tel qu’on le perçoit, tel qu’on le comprend. Nous tenterons d’en faire un caravansérail animé et foisonnant, où s’épanouissent et s’échangent idées, savoirs et projets. Espace de rencontre fréquenté par les voyageurs étrangers, où l’on trouve presque tout, et où l’on peut rester dormir… Les représentations du monde, de la géographie des territoires, ce n’est pas seulement des cartes ou des graphiques. C’est aussi des
photos, du son, des films, des œuvres d’art, de la littérature, de la bande dessinée… autant de formes d’expression qui font dialoguer réalité
et imaginaire. « Visionscarto » est un lieu où doivent se sentir à l’aise toutes les personnes qui souhaitent réfléchir sur des concepts originaux de cartographie — comme la cartographie participative, la cartographie radicale ou la
cartographie narrative – et de tenter d’en enrichir le champ. Un lieu où l’on met en partage des projets en gestation, des idées ou des analyses
rapidement brouillonnées ou esquissées. Y seront publiés des travaux en cours, des chantiers en recherche d’un œil attentif : ceux des
étudiants, chercheurs, enseignants, artistes, illustrateurs, journalistes, citoyen·ne·s engagé·e·s…
Parmi les épisodes refoulés de l’historiographie coloniale, la guerre que la France a menée au Cameroun dans les années 1950 et 1960 occupe une place à part. Il s’agit même d’un cas d’école puisque personne ou presque, en France, n’en connait l’existence. Cette guerre secrète, qui a pourtant fait des dizaines de milliers de victimes, est passée inaperçue à l’époque où elle se déroulait et les traces qu’elle a laissées ont été méthodiquement effacées. Au Cameroun également, la mémoire de ce conflit eut du mal à se transmettre : la victoire de la France et de ses auxiliaires camerounais a permis l’installation d’une féroce dictature, qui s’est empressée d’effacer la mémoire du combat anticolonialiste dont elle a pourtant récolté les fruits.
par Thomas Deltombe Co-auteur de Kamerun ! (2011) et de La Guerre du Cameroun (2016), publiés aux éditions La Découverte.
Le silence qui s’est abattu sur le Cameroun après la proclamation de l’« indépendance », le 1er janvier 1960, était digne de 1984 de George Orwell. Dans les décennies qui ont suivi l’éradication des indépendantistes et l’installation de la dictature, la moindre évocation de ces événements vous exposait à une condamnation certaine par une justice militaire aux ordres, et à des années d’enfermement dans les
sinistres « camps d’internement administratif » dont s’était doté le régime. La mémoire des véritables héros de l’indépendance n’a dès lors pu
être honorée qu’en catimini, clandestinement, à l’abri d’une police
politique aussi impitoyable qu’omniprésente. Menant main dans la main
cette vaste entreprise de répression et d’occultation, les autorités
françaises et camerounaises réussirent à réduire au silence jusqu’aux
plus téméraires des opposants en exil.
Du Kamerun allemand au Cameroun indépendant (1911-1961)
Si le sujet vous intéresse, n'oubliez pas qu'en effet, nous disposons d'un essai de référence et actualisé pour en savoir plus : La Guerre du Cameroun. L'Invention de la Françafrique (1948-71), Éd. La Découverte, 245 pages, 13 octobre 2016. Texte incontournable en la matière, préfacé par l’historien camerounais Achille Mbembe, ses auteurs sont Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa.
La légende veut que la France, « patrie des droits de l’homme », ait
généreusement offert l’indépendance à ses anciennes colonies d’Afrique
noire en 1960. Ce livre raconte une tout autre histoire : celle d’une
guerre brutale, violente, meurtrière, qui a permis à Paris d’inventer un
nouveau système de domination : la Françafrique.
Cette guerre secrète a pour théâtre le Cameroun des années 1950 et 1960.
Confrontées à un vaste mouvement social et politique, porté par un
parti indépendantiste, l’Union des populations du Cameroun (UPC), les
autorités françaises décident de passer en force. En utilisant les mêmes
méthodes qu’en Algérie (torture, bombardements, internements de masse,
action psychologique, etc.), elles parviennent en quelques années à
éradiquer militairement les contestataires et à installer à Yaoundé une
dictature profrançaise.
En pleine guerre froide, et alors que l’opinion française a les yeux
tournés vers l’Algérie, la guerre du Cameroun, qui a fait des dizaines
de milliers de morts, est à l’époque passée inaperçue. Elle a ensuite
été effacée des mémoires par ceux qui l’ont remportée : les Français et
leurs alliés camerounais. Le crime fut donc presque parfait : les
nouvelles autorités camerounaises ont repris les mots d’ordre de l’UPC
pour vider l’« indépendance » de son contenu et la mettre au service… de
la France ! Mais la mémoire revient depuis quelques années. Et les
fantômes du Cameroun viennent hanter l’ancienne métropole. Laquelle, de
plus en plus contestée sur le continent africain, devra tôt ou tard
regarder son passé en face.
Ce fut une guerre cachée, méconnue et pourtant terriblement meurtrière. Répression impitoyable du parti camerounais luttant pour l’émancipation, anéantissement du mouvement armé qui en est issu, pogroms des populations en pays bamiléké : de 1956 à 1971, les morts civils se comptent par dizaines de milliers. Aucun bilan officiel digne de ce nom n’est disponible pour ces faits imputables à l’armée française, qui a d’abord agi en tant que force d’occupation puis comme soutien actif des forces armées camerounaises après l’indépendance, octroyée le 1er janvier 1960. Car ce passage de relais n’a pas mis fin à la résistance, contrairement à ce que suggère l’historiographie officielle de la décolonisation française de l’Afrique subsaharienne, qui la présente comme consensuelle — la Guinée-Conakry exceptée — et en tout cas non violente. C’est ce vide que comble l’ouvrage de Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa.
Voici, pour conclure, un long entretien accordé par Thomas Deltombe à La Grande Interview —émission présentée par Jean Bruno Tagne sur Canal 2 International— mis en ligne le 27 décembre 2016 :
Thomas Deltombe est collaborateur du Monde Diplomatique. En 2006, il y faisait la recension de LA RÉPUBLIQUE RACIALE. Paradigme racial et idéologie républicaine (1860-1930), essai de Carole Reynaud-Paligot. Je la lis maintenant et elle me fait penser à un autre essai, comparable à l'égard des preuves et des conclusions, abordé d'une autre discipline, la biologie. Il s'agit de La razón salvaje. La lógica del dominio: tecnociencia, racismo y racionalidad (Lengua de Trapo, 2007), par Juanma Sánchez-Arteaga. Le compte-rendu de Deltombe sur l'ouvrage de Reynaud-Paligot jetait une méritée lumière accablante sur la fière et sanguinaire civilisation des Lumières...
Carole Reynaud-Paligot dévoile une facette encore méconnue du racisme hexagonal : l’intrication de la pensée raciale et de l’idéologie républicaine à la fin du XIXe siècle. Se concentrant sur les travaux de la Société d’anthropologie de Paris, entre 1860 et 1930, en en restituant avec minutie les débats, l’historienne décrit une véritable « osmose » entre les théories raciales développées par des scientifiques de renom et la politique anticléricale, coloniale et éducative de la IIIe République. Les animateurs de la Société d’anthropologie ne voyaient aucune contradiction entre leur engagement républicain et leurs théories raciales inégalitaires, constate l’auteur, qui montre combien le « paradigme racial », loin d’être l’apanage exclusif des penseurs réactionnaires d’extrême droite, s’inscrivait en réalité pleinement dans une idéologie se réclamant de la « science » et du « progrès ». Et c’est paradoxalement au moment où les fondements « scientifiques » de la raciologie s’effritèrent que cette vulgate raciale typiquement républicaine fut célébrée avec le plus de triomphalisme.
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NB - Un ouvrage pionnier et toujours de référence :
Mongo Beti (1932-2001), écrivain camerounais, est connu pour ses romans,
qui ont joué un rôle important dans la prise de conscience du
colonialisme et dans la lutte contre celui-ci. Publié en 1972 par les Éditions François Maspero, Main basse sur le Cameroun
était un réquisitoire contre les crimes du président Ahidjo, dictateur
du Cameroun par la grâce du néocolonialisme français. Son but fut
largement atteint, semble-t-il, puisque le livre fut interdit, saisi,
l’éditeur poursuivi, et l’auteur l’objet de multiples pressions et
menaces. Sa réédition, en 1977, dans une version revue, était encore
d’une actualité brûlante à l’heure de l’intervention française au
Zaïre. Mongo Beti montre en effet que les anciennes colonies d’Afrique
occidentale française et d’Afrique équatoriale française, formellement
indépendantes depuis les années 1960, n’en sont pas moins restées
étroitement contrôlées par la France. Trente ans plus tard, ce livre
reste un document historique majeur, indispensable pour comprendre les
évolutions ultérieures de la « Françafrique ». Une préface inédite,
d'Odile Tobner, présidente de Survie, retrace l'histoire mouvementée de
ses différentes éditions
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Mise à jour du 17 mars 2017 Le Monde lance aujourd'hui une alerte que je propose de lire avant de relire la citation fillonienne que j'avais mise en exergue de ce billet...
"Les deux costumes offerts à Fillon ont été payés par l'avocat Robert Bourgi, pilier de la "Françafrique""
Loin de l'actu surexposée et ressassée des grands média, il y a bon nombre d'événements qui nous interpellent autrement dont on ne parle que peu, presque jamais ou, en tout cas, beaucoup moins qu'il ne faudrait.
Nous avons commencé à passer internet au peigne fin afin d'y repérer et choisir des faits ou sujets hors actu qui vont constituer la matière de notre journal des infos dont on ne parle que plutôt peu.
En voici notre cinquième sommaire (28.02.17). Et merci beaucoup à mes élèves pour leurs contributions !
(Impossible de mettre un accent circonflexe sur un mot faisant partie du nom d'un tableau de Pinterest -donc, sur son adresse URL- si l'on veut insérer celui-ci dans un billet de blog)
Loin de l'actu surexposée et ressassée des grands média, il y a bon nombre d'événements qui nous interpellent autrement dont on ne parle que peu, presque jamais ou, en tout cas, beaucoup moins qu'il ne faudrait.
Nous avons commencé à passer internet au peigne fin afin d'y repérer et choisir des faits ou sujets hors actu qui vont constituer la matière de notre journal des infos dont on ne parle que plutôt peu.
En voici notre quatrième sommaire (09.02.17). Et merci beaucoup à mes élèves pour leurs contributions !
(Impossible de mettre un accent circonflexe sur un mot faisant partie du nom d'un tableau de Pinterest -donc, sur son adresse URL- si l'on veut insérer celui-ci dans un billet de blog)