« Aujourd’hui, c’est le grand jour pour moi car je vais
me brûler à
Pôle emploi. J’ai travaillé 720h et la loi,
c’est 610h. Et Pôle emploi a
refusé mon dossier ».
(Lettre laissée par une victime de la démocratie libérale)
Ils se sont immolés par le feu pour se faire entendre : tel le sous-titre du Grand Incendie, film documentaire interactif réalisé par Samuel Bollendorff (photographe ; il s'occupe de l'image) et Olivia Colo (journaliste ; elle assure le son). Une production Honkytonk Films.
En effet, ce webdoc recense chacune des immolations par le feu qui ont eu lieu en France sur des lieux publics depuis 2011 —voilà, d'ailleurs, le sens littéral du mot "holocauste" (holocaustum : « brûlé tout entier »).
Elles ont eu lieu, bilan accablant, un peu partout (au Pôle Emploi, sur le parking d'une agence France Télécom, dans la cour d'un lycée, devant l'Elysée...) et trop souvent : en moyenne, une fois tous les quinze jours. Oui, vous avez bien lu : il s'agit d'une immolation toutes les deux semaines ; donc, ce ne sont pas des faits divers, mais un même fait répété qui se répand comme une épidémie ; c'est un signal d'alarme, c'est un message fort, multiple, envoyé à la société, aux média, que la société et les média ont décidé d'ignorer royalement jusqu'à présent. Ce ne sont pas des fous, mais des faits, des effets à lier à leur(s) cause(s)...
Les réalisateurs du Grand Incendie s'expliquent à cet égard un peu plus bas, dans la citation de Télérama.
Le Monde écrit à propos de ce film :
Les réalisateurs ont alors retenu sept histoires auxquelles ils ont voulu consacrer un peu plus qu'un bandeau placardé sur une chaîne d'information en continu.Télérama, de son côté...
Samuel Bollendorff et Olivia Colo ont retrouvé les témoins, rencontré les proches des victimes et immortalisé les lieux du drame. Certaines victimes ont laissé des messages derrière elles, interprétés par Philippe Torreton dans le documentaire, qui confronte les témoignages des hommes et des femmes poussés à bout, avec les réactions des institutions françaises.
Samuel Bollendorff et Olivia Colo ne sont pas tombés tout de suite sur la sinistre statistique qui ouvre Le Grand Incendie. Ils avaient lu un livre du chirurgien Maurice Mimoun, et pensaient écrire un documentaire sur un service de grands brûlés. « Maurice Mimoun avait écrit : “ne se brûle pas n'importe qui”, ça nous avait déjà pas mal intéressés », note Olivia Colo. « Et puis nous sommes tombés sur un cas d'immolation. Puis un deuxième. Puis un troisième. On s'est mis à les recenser par un système d'alertes, en cherchant tout ce qui était passé par les médias. Il pouvait s'agir d'une ligne sur un site de presse locale, ou d'une minute au 20 heures. On a voulu sortir du fait divers, et s'interroger sur ce message adressé au collectif que le collectif refuse d'entendre », dit Samuel Bollendorff. Parce qu'il était impossible de traiter tous ces drames dans leur intégralité, ils sont partis des lieux où ils s'étaient déroulés : le parking de France Télécom-Orange pour Rémy Louvradoux, qui y était chargé, dans son agence, de la prévention des suicides, la cour du lycée Jean-Moulin à Béziers pour Lise Bonnafous, professeur de mathématiques, devant la Caisse d'allocations familiales de Mantes-la-Jolie pour Jean-Louis Cuscusa, devant une agence Pôle Emploi de Nantes pour Djamal Schaar... « Dans la majorité des cas, on voyait se dégager le choix de lieux incarnant le bien commun, le modèle social français hérité de l'après-guerre, le service public ou bien des entreprises privatisées qui en faisaient autrefois partie... on s'est concentré sur ces cas-là, sur la portée symbolique et sacrificielle de leur geste ». Et gardé, en fin de compte, ceux où une parole pouvait se libérer, celle des proches, des collègues ou des survivants.Le webdocumentaire est disponible sur les sites de deux de ses coproducteurs : Le Monde et France TV Info.
Au sujet du suicide et de la souffrance suite aux violences exercées contre le Travail dans les sociétés ultralibérales, voici un billet précédent.
À l'égard des dérives de l'assistanat, le grand alibi é-wauquié par les néo-cons les plus faux-cons et le plus sacrément culottés, cliquez ici et là.
ACTUALISATION DU 5/09/2014 :
RFI - Publié le 01-09-2014.
Le Grand Incendie, Visa d’Or du webdocumentaire RFI-France 24