jeudi 30 avril 2015

Du Paléolithique ancien à nos jours sur une frise interactive de l'INRAP

L'Institut national de Recherches archéologiques préventives (INRAP) propose un nouveau dossier multimédia. Il s'agit d'une frise chronologique interactive, "largement illustrée par les dernières découvertes de l'archéologie", qui nous plonge dans un parcours depuis le Paléolithique ancien (– 800 000 ans) jusqu'à nos jours : la dernière frise porte sur les périodes moderne et contemporaine.
On peut sélectionner des périodes de cette chronologie générale et chacune "est abordée à travers huit thèmes nourris par les apports de l'archéologie". Ainsi, pour le Paléolithique supérieur, par exemple, on lit d'abord une introduction (saupoudrée de liens renvoyant à des fenêtres explicatives)...

Le Paléolithique supérieur débute sur tous les continents, hormis l'Amérique, aux alentours de -40000 et perdure jusque vers -12500.
Il est caractérisé par l'expansion de l'Homme moderne à travers le monde.
Son développement accompagne la dernière phase glaciaire –
Pléistocène supérieur – dans le nord de l'Eurasie et une période de dégradation climatique plus au sud.
Il se subdivise en plusieurs cultures marquées par des changements techniques et des innovations. En Europe, on trouve successivement, du plus ancien au plus récent, le Châtelperronien, l'Aurignacien, le Gravettien, le Solutréen et le
Magdalénien.
Nelly Connet

... et un menu s'ouvre nous permettant de cliquer sur huit possibilités différentes :
Parmi les dossiers multimédia de l'INRAP, qui sont au nombre de 17 jusqu'à présent, il y a une belle variété de titres fort alléchants, dont...

Archéologie du sel

Archéologie du vin

L'habitat nomade de Néandertal

Leur première publication date du 24 novembre 2004 :

Bourgfontaine, une enquête archéologique


NOTE extraite de Wikipédia :
L'archéologie préventive a pour vocation de préserver et d'étudier les éléments significatifs du patrimoine archéologique menacés par les travaux d'aménagement. Elle peut impliquer la mise en œuvre de diagnostics archéologiques (sondages), de fouilles (fouilles de sauvetage ou fouilles préventives) et, dans certains cas, de mesures de sauvegarde.

dimanche 12 avril 2015

Les mathématiques en classe de primaire, une affaire de langue

Nous venons d'apprendre la mise à disposition sur le site du Réseau Canopé (réseau de création et d'accompagnement pédagogiques) d'un nouveau webdocumentaire qui a pour objet les mathématiques en classe du cycle 2 (Cours Préparatoire, Cours Élémentaire 1 et Cours Élémentaire 2).
Il s'agit d'un travail d'équipe —soutenu par la DGSCO (Direction générale de l'Enseignement scolaire) et coordonné par la professeure et pédagogue d'origine iranienne Stella Baruk— qui propose des vidéos organisées en 3 rubriques...
... deux sont consacrées à la numération et aux problèmes. Dans chacune d'elles, 4 types d'erreurs repérées en classe sont analysés et commentés par les enseignants et Stella Baruk. La troisième rubrique croise les regards de l'institution et de l'équipe sur cette expérimentation.
Mis à part les idées qui en découlent pour les enseignants de cette matière, ou la transmission directe qui profite aux apprenants des maths, ces vidéos constituent une base linguistique précieuse pour des étudiants de français car elles s'adressent à des enfants francophones, portent sur un domaine langagier déterminé et facilitent l'activité de compréhension orale grâce aux transcriptions fournies et téléchargeables ici.

Quant à Stella Baruk, cela fait longtemps qu'elle repense l'enseignement des mathématiques et se bat pour qu'il soit fondé sur la langue, le sens et la prise en compte de l'erreur. Dans sa présentation à ce documentaire, elle nous donne des pistes, par exemple :
Ce que je propose est à la fois suffisamment clair et construit, à partir justement de ce que je sais être les erreurs que j'appelle structurelles. Ces erreurs structurelles sont dues à la manière dont on propose les choses. Exemple très simple en numération : si vous dites à un enfant que 300, ça s'écrit 3, 0, 0 et que vous lui demandez d'écrire après 307, il écrira 3, 0, 0, 7.
Il n'y a pas besoin de chercher très loin en mathématiques. Quand on écrit 300, ça s'écrit avec un 3. Donc c'est pas 3, 0, 0, c'est 3. Et on attend la suite.
Contemptrice de "l'obsession française de la note" —nous rappelait en 2008 Pascale Krémer sur Le Monde Magazine—, elle bataille pour ne plus noter les enfants avant le CE2, ni jamais en phase d'apprentissage d'une nouvelle notion :  
"Si on évaluait les enfants qui apprennent à parler, ils seraient tous bègues! Les premières années d'école sont décisives. On l'oublie pour être immédiatement dans le jugement, voire la prédiction. Imagine-t-on ce que c'est pour un enfant d'entendre dire à 6 ans qu'il est en difficulté, et de construire à partir de cela son identité?"
Voici les vidéos que l'on peut ouvrir en faisant dérouler le menu de ce webdocumentaire :
Pour les professeurs de mathématiques souhaitant aller plus loin, voici, en deux parties, une conférence de Stella Baruk...

Une pédagogie liée aux erreurs en mathématiques



jeudi 9 avril 2015

Monolinguisme impérial et gibraltarisation de la province madrilène

Hélas, ayant maintenant beaucoup d'autres chats à fouetter, je n'ai pas le temps de m'arrêter un tant soit peu et d'écrire in extenso au sujet du titre que j'ai choisi pour ce billet. Ce n'est pas grave car ces derniers jours, j'ai été pris (d'assault) —les joyeuses déterminations de la liberté d'expression arrangent aisément ce genre de hasard— sous les tirs croisés (pitoyables contreparties constatées) de deux journaux du triomphant libéralisme heureux, Le Figaro et El País, qui nous procurent d'ordinaire des ravissements comme des globes.
Comme « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur », j'en ai retenu deux chroniques impeccablement complémentaires (car tout empire a ses provinces, où sévissent des proconsuls snobs) dont je vous fais part ci-dessous et qui ont la vertu d'illustrer passablement mon sujet sans ajout, pour l'instant, de beaucoup de commentaires.

Le Figaro (Par Armelle Bohineust. Mis à jour ) :
Aux États-Unis, l'informatique plus forte que les langues étrangères

Cette chronique du Figaro est brève : n'hésitez pas à cliquer sur le lien pour la lire. On nous y apprend, entre autres, que...
(...) Désormais, au Texas, en Géorgie ou dans l'État de Washington, qui abrite le groupe Microsoft, un étudiant pourra prendre en option un langage informatique plutôt que le français, l'espagnol, l'allemand ou le japonais.
Réalité économique

La raison? «Beaucoup d'étudiants préfèrent apprendre un code informatique plutôt que conjuguer des verbes», explique Chris Reykdal, un représentant de l'État de Washington. Plus sérieusement, les partisans de cette nouvelle réglementation mettent en avant la réalité économique. «Apprendre un langage informatique est beaucoup plus utile pour trouver du travail et cela aidera les entreprises dans la compétition internationale», affirment-ils. (...)
Comprenez-vous ? Les étudiants, comme les sociétés en général, sont formatés par la "réalité économique" et ses propagandes et enfouissent toute velléité de vraie vie ou de vraie connaissance pour se plier en toute liberté à la tyrannie du marché de travail et sa soif de fadaises gang-reneuses. André Gorz le formulait très clairement dans L'immatériel - Connaissance, valeur et capital (Galilée, 2003) : « On reconnaît au capital le droit d'exiger que le développement des capacités humaines se fasse d'emblée en vue du parti que les entreprises pourront en tirer, donc (...) sous le contrôle de celles-ci. »

Quant à El País, il publiait aujourd'hui 7 avril —dans son supplément consacré à la Communauté de Madrid— une information qu'il faudrait nuancer longuement, mais qui parvient malgré tout à faire l'affaire...

La Escuela Oficial de Idiomas pierde 7.600 alumnos en solo dos años

El descenso del número de estudiantes en la región supone un 14,7%
Se produce después de que la Comunidad subiera las tasas un 166%
Frente a esta caída, la cifra de pupilos ha subido un 7% en toda España

Notons que les dirigeants de la Communauté de Madrid emploient l'expression "bilinguisme" au lieu de dire ouvertement "anglais obligatoire", langue qui véhicule le catéchisme des "valeurs" —Aguirre dixit (1)— auxquelles ils sont foncièrement attachés et qu'il faut injecter à l'école. Voilà pourquoi ils tiennent absolument non à ce qu'on apprenne l'anglais, mais à ce qu'on apprenne en anglais. C'est une affaire de propagande dans un double sens : volonté de pénétration idéologique et snobisme dérivé d'un bouillon de culture accablant (2). En tout cas, l'obnubilation et la soumission sont servies tous azimuts, et ce serait à en parler plus longuement, j'insiste.


____________________________________________
(1) Cf. à ce propos, très particulièrement :
— Domenico Losurdo : Contre-histoire du libéralisme, traduit de l’italien par Bernard Chamayou, La Découverte, Paris, 2013, 390 pages, 25 euros.

(2) Cf. à cet égard, parmi d'autres apports :
— Enrique Bernárdez : El lenguaje como cultura. Una crítica del discurso sobre el lenguaje, Alianza Editorial, 2008 (spécialement pages 47-84). Déjà cité ici.
— Charles Xavier Durand : If it's not English, it's not worth reading!, Current Issues in Language Planning 7/1, 2006; pages 44-60.
— Un billet sur Claude Hagège dans ce blog : Canal-U, ses vidéos éducatives, Hagège et la diversité des langues

Voici un extrait de l'introduction du texte de Durand :
Political pressures to substitute a language by another can be brutal. (…) Today, the influence of political will on the choice of a foreign language earmarked for international communication is, in the respect, at least as important as the manipulation of people’s perceptions to accept it in its assigned role. Dictating linguistic policies clearly did not work in the Soviet republics ant, today, the resentment against Russia in this respect still runs very high. This is why the imposition of English as a second language in Europe today is coordinated with a number of measures aimed at making the targeted people accept it, as if it was the result of their own decision and depended only on their own free choice. English has to be first and foremost psychologically and sociologically acceptable if the political will to promote it is to succeed.
(C. X. Durand, 2006)