jeudi 25 février 2016

Les mathématiques à travers des vidéos en ligne

Professeure agrégée de mathématiques en lycée depuis 2003, Sophie Guichard propose gratuitement plus de 1 500 vidéos et beaucoup d'exercices sur son site mathenvidéo, ainsi que sur YouTube, pour tous les niveaux —collège, seconde, première, terminale, BTS, IUT, master...—, avec des exemples corrigés.
Elle y développe bon nombre de thèmes :
  1. Bases en calcul
  2. Théorie sur les fonctions
  3. Calcul infinitésimal
  4. Suites et séries...
  5. Statistiques et probabilité
  6. Identifier
  7. La géométrie
  8. Trigonométrie
  9. Nombres complexes
  10. Matrices
Elle nous explique sa démarche :
En utilisant une carte mentale comme support d’exposé, vous pourrez mieux comprendre grâce à cette vidéo comment j’en suis arrivée à faire des vidéos et l’intérêt de faire des cartes mentales :



Ce n'est pas le seul web consacré à l'enseignement des maths moyennant des vidéos et d'autres ressources complémentaires (exercices, cours en pdf, forums, problèmes, histoire des maths...). Citons également...

—  Cours Vidéo de mathématiques 3ème (de l'association LOGEDU, de Château-Salins, en Moselle), où vous trouverez des travaux numériques...
... et des travaux géométriques :
Maths et tiques, d'Yvan Monka (Strasbourg) : près de 1 000 vidéos, pour l'instant, et ce menu ouvert...
... et beaucoup de ressources disponibles :

vendredi 19 février 2016

Le premier homme, Albert Camus

« La misère m'empêcha de croire que tout
est bien sous le soleil et dans l'histoire ; 
le soleil m'apprit que l'histoire n'est pas tout. 
Changer la vie, oui, mais non le monde
dont je faisais ma divinité. »
(Déclaration antiplanglossienne et vitaliste
d'Albert Camus dans L'Envers et l'Endroit, 1937)


Le lundi 4 janvier 1960, au nord de Sens (Yonne), une voiture de sport glissa sur la chaussée —trempée par la saucée— de la RN5, fit une embardée et se tamponna contre un platane. L'accident causa la mort immédiate du passager assis à l'avant ; quelques jours plus tard, le conducteur décéda à son tour. Les victimes étaient respectivement Albert Camus et Michel Gallimard, neveu de Gaston, le célèbre éditeur. Deux autres passagères en sortirent indemnes : Janine, épouse de Michel, et leur fille Anne, qui suite au heurt brutal, avaient été éjectées de la bagnole.
C'était l'époque de la Guerre Froide et les prises de position de Camus, contempteur des deux camps, favorisèrent désormais le développement de plusieurs thèses plus ou moins farfelues sur sa mort, comme celle "révélée" par Le Corriere della Sera et reprise ici par Le Magazine Littéraire (brève du 9/08/2011) : le contretemps aurait été provoqué par le KGB pour liquider Camus sur ordre direct du ministre soviétique Shepilov, proposition qui ne tient pas la route pour d'autres chercheurs, dont Michel Onfray.
Pour rafraîchir les mémoires, rappelons, par exemple, qu'en 1956, à l'Est, les troupes de l'Union Soviétique avaient écrasé l’insurrection hongroise qui s'était étendue du 23 octobre au 10 novembre.
Côté Ouest, le 21 décembre 1959, à Torrejón de Ardoz, le président des États-Unis Ike Eisenhower étreignait frétillant le dictateur criminel Francisco Franco, qu'il tirait de son splendide isolement (sans compter les conventions d'aide économique et de défense signées par les deux régimes en septembre 1953). Il en obtenait quatre bases militaires dans sa colonie espagnole et un nihil obstat permanent de son allié catholique à disposer à son aise de son territoire espagnol (Cf. "Castiella, a todo, que sí",  « Castiella, oui à tout », dans Miguel Ángel Aguilar : Exigencias a EE UU, El País, 18/01/2011). Au bout du compte, Eisenhower était un champion de l'art de tout donner sans rien attendre en retour et la force de sa foi ne s'engageait que « contre les forces athées de la tyrannie et de l'oppression » (Luis Mª Anson, ABC, le 22/12/1959), catégorie qui ne comprenait pas notre très catholique généralissime, bien entendu.
Albert Camus, oiseau rare, n'hésitait pas à dénoncer les deux empires —tout empire empire la vie humaine. Le 17 octobre 1957, il avait reçu le prix Nobel de Littérature. Contrairement à Jean-Paul Sartre, il l'avait accepté et il avait fait don d'une partie de l'argent aux anarchistes espagnols : il chérissait les pensées anarchistes et la Commune (cf. L'Homme révolté), comme il fut persuadé jusqu'à sa fin que « Le pouvoir rend fou celui qui le détient. » Telle fut sa réponse, le 29 décembre 1959, à six jours de sa mort, à la question « Les entrevues "au sommet" entre les mandataires des Etats-Unis et l'Union soviétique vous font-elles concevoir quelque espérance quant à la possibilité de surmonter la "guerre froide" et la division du monde en deux blocs antagonistes ? » posée par la revue libertaire argentine Reconstruir. Évidemment, le reportage ne serait publié qu'à titre posthume.

Donc, le lundi 4 janvier 1960, Camus est mort. C'est sûr et certain. Dans les débris de la tire de Michel Gallimard, on retrouva une sacoche contenant, selon Marc-Henri Arfeux, « (...) des papiers, des photographies, des livres, le journal d'Albert Camus, ainsi que le manuscrit d'un roman inachevé dont le titre n'est autre que Le Premier Homme. Trente-quatre ans plus tard, en 1994, le texte de ce roman, établi à partir du manuscrit original par la fille de l'auteur, Catherine Camus, est publié aux Éditions Gallimard sans retouche ni correction et jette une lumière nouvelle sur la vie et l'œuvre de l'un des plus célèbres écrivains français du XXe siècle. »
Dans Esthétique et théorie du roman (Gallimard, 1978), Mikhaïl Bakhtine écrivait : « [Le prosateur-romancier] utilise des discours déjà peuplés par les intentions sociales d’autrui, les contraint à servir ses intentions nouvelles, à servir un second maître. » L'aspiration du prosateur-romancier serait donc de devenir ce second maître du langage, idée qui suggéra à Juan Luis Conde le titre de son essai El segundo amo del lenguaje.
Camus, de son côté, choisit un autre ordinal pour son projet de livre : quels que soient les usages vitaux dans son milieu, chacun de nous serait un premier homme devant l'existence... Pour mieux comprendre, vous devriez lire ce roman posthume et inachevé. Pour en savoir plus, notamment sur l'archéologie du texte, sa publication..., bref, pour reconstituer son contexte, je vous renvoie à une intervention très complète qui eut lieu le 21/03/2013 et que nous devons, dans le cadre des conférences de l'Université de Nantes (diffusées par France Culture), à Agnès Spiquel, professeure à l'Université de Valenciennes, spécialiste en Victor Hugo et le Romantisme, et présidente de la Société des Études Camusiennes. Voici la présentation de Camus à la fin des années 1950 : Le Premier Homme (1h 23') :
Camus médite longtemps ce qu'il envisage comme le grand roman de sa maturité. Si le projet se précise à partir de 1953, c'est en 1958-59 qu'il entame une phase décisive de son écriture - qui sera brutalement interrompue par sa mort, le 4 janvier 1960. Nourri de l'expérience propre de Camus, Le Premier Homme n'est pourtant pas une autobiographie ; c'est l'histoire d'un homme qui, à 40 ans, revient sur son passé pour comprendre d'où il vient et qui il est. En l'écrivant, Camus ressuscite une enfance pauvre mais heureuse parmi les petits-blancs d'Alger ; il évoque la vie dure, l'école libératrice, la passion de vivre ; il dessine une Algérie tendue d'où sont en train de s'effacer les rêves de paix ; il montre comment tout homme est un "premier homme" qui apprend à vivre. Un roman inachevé qui est en même temps un sommet...


Retrouvez toutes les vidéos sur la WebTv de l'Université de Nantes


Olivier Saladin nous lit, sur France Culture (pour l'émission Je déballe ma bibliothèque), un extrait du Premier Homme
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Mise à jour du 26 juillet 2017 :

La dernière lettre d'amour d'Albert Camus, par Jean-Michel Normand (Le Monde, 25/07/2017).
Curiosités de la BNF 2/6. Catherine Sellers fut l’un des grands amours de l’écrivain. Le 31 décembre 1959, il lui envoie ce qui sera sa dernière missive.
(...)
Confiée à la Bibliothèque nationale de France – en même temps qu’une volumineuse correspondance – à la demande de Catherine Sellers (1926-2014) après le décès de celle-ci, la lettre est postée le 31 décembre 1959 de Cavaillon (Vaucluse). Elle parviendra à l’adresse parisienne de la rue de Bourgogne le jour même ou le lendemain de la mort d’Albert Camus, le lundi 4 janvier 1960, à Villeblevin, non loin de Sens, dans l’Yonne.

 


lundi 15 février 2016

Rapport 2016 de la fondation Abbé Pierre sur les mal-logés en France

Le jeudi 28 janvier, la Fondation Abbé Pierre pour le Logement des Défavorisés rendit son Rapport 2016 sur l’état du mal-logement (basé sur l'Enquête nationale du Logement 2013 dont les résultats ne concernent que la France métropolitaine) dans la sixième puissance économique du monde.
Selon Le Monde, avec AFP, la Fondation dresse un tableau sombre :
Hausse du nombre de personnes sans domicile, renonçant à se chauffer ou contraintes de vivre chez des tiers : de nombreux indicateurs sont dans le rouge.
Pour Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre,
(...) cette « aggravation du mal-logement touche avant tout les classes populaires ». Les ménages les plus pauvres consacrent à leur logement 55,9 % de leurs revenus, une part trois fois supérieure à la moyenne (17,5 %). « Le logement est le reflet des inégalités, mais il est aussi accélérateur des inégalités », souligne M. Robert.
... Et de beaucoup d'échecs scolaires, déstructurations familiales, violences sociales, suicides, etc., peut-on ajouter.

Jetons un coup d'œil sur le rapport. On peut y lire, littéralement, ces extraits...
3,8 millions de personnes mal logées.

[44 000] Personnes (...) ne peuvent accéder à une place dans les aires d’accueil aménagées destinées aux "gens du voyages".


12,1 millions de personnes fragilisées par rapport au logement.


(...) la Fondation Abbé Pierre révèle des tendances alarmantes à l’aggravation de la situation pour la plupart des indicateurs disponibles, qu’il s’agisse du nombre de personnes sans domicile, d’hébergés chez des tiers, de personnes subissant un effort financier excessif pour se loger ou de ménages souffrant du froid à domicile.

(...) Parmi les personnes privées de logement personnel apparaissent enfin 643 000 personnes hébergées chez des tiers de manière très contrainte : personnes de 17 à 59 ans n'ayant pas les moyens de décohabiter hébergées par des personnes sans lien de parenté direct (69 000), plus de 25 ans contraints, après une période de logement autonome, de revenir habiter chez leurs parents ou grands-parents faute de logement autonome (339 000), majeurs de plus de 25 ans chez leurs parents incapables de décohabiter pour raisons financières (153 000) et personnes de plus de 60 ans hébergées chez un tiers sans lien de parenté direct (83 000).

Par rapport aux années précédentes, la Fondation Abbé Pierre a décidé d’intégrer à son décompte, parmi les personnes en difficultés, deux nouvelles formes de fragilisation par le logement à mieux appréhender : l’effort financier excessif et le froid à domicile.

Au total, ce sont donc 14 466 000 personnes qui sont victimes de la crise du logement.

Les locataires continuent de payer leur loyer, puisque le nombre d’impayés semble stable. Mais à quel prix... Les Français sont 44 % de plus qu’en 2006 à se priver de chauffage à cause de son coût. 20% plus nombreux à être hébergés chez des tiers. 26% de plus à subir un effort financier excessif pour payer son logement. 6 % de plus à se serrer en surpeuplement accentué.

Entre 2001 et 2012, le nombre de personnes sans domicile a augmenté d’environ 50 %, d’après l’enquête sans-domicile de l’Insee. Les phénomènes de grande exclusion se sont amplifiés. Et encore s’agit-il d’un décompte a minima, basé sur les personnes rencontrées en 24 heures dans les services d’hébergement ou de restauration pour les sans domicile, qui ne prend donc pas en compte les nombreuses personnes qui n’y ont pas recours quotidiennement, par exemple parmi les personnes qui vivent en bidonville.

Entre 2006 et 2013, le surpeuplement a augmenté de manière inédite. Le nombre de ménages en surpeuplement accentué a crû de 185 000 à 218 000 (+ 17 %), tandis que celui des ménages en surpeuplement modéré (hors ménages unipersonnels) est passé de 1 694 000 à 1 789 000 (+ 6 %).

Le pourcentage des ménages déclarant avoir eu froid au cours de l’année est en hausse très marquée depuis des années. Alors que seuls 10,9 % des ménages s’en plaignaient en 1996, ce taux est monté à 14,8 % en 2002 puis 18,8 % en 2013.

En 2013, 4 767 000 millions de ménages, soit 11 026 000 personnes, se sont plaints d’avoir eu froid, la plupart du temps pour des raisons liées à leur situation financière, durement impactée par la montée du prix des énergies et la crise économique (1 070 000 ménages), à la mauvaise isolation de leur logement (2 107 000 ménages) ou à la faible performance de leur chauffage (1 267 000 ménages).

Malgré leur mauvaise isolation, bon nombre de foyers sont comme les trous noirs de l'Univers : aucune matière ni lumière n’en sort.
Où l'on voit où nous mènent les bulles spéculatives, en général, et les glorieuses noces des bétonneurs et de la finance, en particulier.
Où l'on voit bien que l'État d'Urgence non factice ne concerne pas l'inconfort thermique, les surpeuplement des ménages ou la vie à l'abri de rien...

Au sujet de la constante dégradation de la situation du logement en France, le Siné mensuel nº50 (février 2016), pages 4-6, présente un dossier intitulé Des solutions contre la galère, réalisé par Léa Gasquet. Dans son introduction, elle nous rappelle que cette dégradation « ne date pas d'hier : entre 1970 et 2006, le loyer moyen a doublé par rapport aux revenus. (...) À moins d'être en CDI et de gagner trois fois le prix de son loyer, trouver un toit relève de l'exploit. En dépit de la taxe sur les logements vacants créée en 1999, 2,6 millions de logements étaient toujours vides en 2015... Alors que 900 000 personnes ne disposent pas d'un logement autonome ! »

Par ailleurs, dans un autre pays heureusement mondialisé [Note du 26 février 2016 : où il y a 3,4 millions d'habitations vides (30% du total européen)], la fourbe et média-attisée "récupération" (reprise) de l'économie espagnole a entraîné l'aggravation des conditions de vie de 1.181.000 personnes, selon le rapport annuel sur "Vulnérabilité sociale" de la Croix-Rouge espagnole (Bez, le 13 février 2016). Déjà ceux qui ont la joie immense d'être des salariés (fort précaires) doivent tabler sur le refus de l'employeur de payer leurs heures supplémentaires de travail, contrepartie créatrice, innovante, flexible et modérée d'un système basé sur la prise d'otages tous azimuts et la continuation de l'esclavage par d'autres moyens --selon la couleur de la presse, vol ou record (voir tableau ci-dessous tiré du quotidien El País, publié le 15.02.2016, 00h01). En tout cas, c'est le trickle up effect.


"Cada semana de 2015 se trabajaron una media de 3,5 millones de horas fuera de la jornada laboral que no se retribuyeron"  (chaque semaine de 2015 en Espagne... 3,5 millions d'heures sup non rémunérées)

Et puis, au cas où l'on éprouverait une certaine colère, le régime libéral pense à tout : il y a pour l'instant et pour l'exemple 300 travailleurs inculpés en Espagne comme on peut voir ici, ici ou .