(...)
Reprenez-vous, vous dis-je, c'est le capitalisme,
Laissez les journalistes croire au libéralisme.
Quant à nous, nous savons comment marche le monde,
Qu'en retrait du marché les ficelles abondent.
Nous sommes importants, nous sommes névralgiques,
Reprenez-vous, vous dis-je, c'est le capitalisme,
Laissez les journalistes croire au libéralisme.
Quant à nous, nous savons comment marche le monde,
Qu'en retrait du marché les ficelles abondent.
Nous sommes importants, nous sommes névralgiques,
La panne du crédit, c'est l'accident tragique,
Mais le crédit, c'est nous ! Nous sommes intouchables !
Pour nous sauver l'État mettra tout sur la table.
Pour nous sauver l'État mettra tout sur la table.
F. Lordon : D'un retournement l'autre, Éd. du Seuil, mai 2011.
(LE BANQUIER, acte I, Scène 3)
Dans un billet du 10 août 2011, Candide résiste avait déjà abordé D'un retournement l'autre, comédie sérieuse sur la crise financière (Seuil, mai 2011) que Frédéric Lordon avait composée, en quatre actes et en alexandrins, dans le but de montrer les vraies causes de la dépossession organisée que nous subissons et de tenter de conjurer l'usure du temps, l'amnésie, qui est la grande alliée de la domination (cf. le post-scriptum de la pièce intitulé Surréalisation de la crise, où Lordon s'explique). Et cela dans l'espoir que cette connaissance mue en affect (1) —en sursaut d'indignation, dis-je à la Péguy, car autrement, elle est inutile, voire contre-productive.
Sujet majeur car nos déréglés dérègle-menteurs contrôlent tous les grands média, toutes les grandes maisons d'édition et, d'une manière générale, toute notre culture et sa pédagogie unique ; il ne faut donc pas trop s'étonner qu'on nous martèle à longueur de journée, et de nuitée, qu'il faut discipliner les finances publiques alors même que ce sont la très privée Finance et ses acrobaties démentielles (les soi-disant folies des soi-disant marchés rationnels) qui se trouvent à l'origine de la houle qui a entraîné notre dernier grand naufrage : notre argent (le Trésor public) a servi à renflouer les responsables du désastre —sans contreparties et sans que le parquet (le ministère public) agisse contre les parquets (de la bourse) : en voilà une, de charge sociale et de prise d'otages mondialisées !!!!—, et nos hauts fonctionnaires politiques (en fait, leurs), au lieu de gérer dignement la res publica, chouchoutent les agioteurs et les grands intérêts privés, bradent le patrimoine de tous, démantèlent le service public, suppriment nos structures de solidarité, sapent le Droit du Travail et les acquis sociaux, délogent les plus démunis (il faut compter 400.000 expulsions en Espagne depuis 2008, et quelques suicides), modifient le code pénal pour faciliter la répression du peuple et blanchissent les fraudeurs, entre autres. C'est ce qui arrive lorsque ce sont les pyromanes qui jouent les pompiers.
Gérard Mordillat, romancier et cinéaste né dans le cher quartier parisien de Belleville, a réalisé Le grand retournement (2), film basé sur la pièce de Lordon qui vient de sortir en salles le mercredi 23 janvier —après une avant-première le 14 janvier à Lille. Avec François Morel, Jacques Weber, Edouard Baer, Patrick Mille, Franck de Lapersonne, Jacques Pater, Elie Triffault, Odile Conseil, Antoine Bourseiller, Jean-Damien Barbin, Thibault de Montalembert, Alain Pralon, Christine Murillo et Benjamin Wangermée.
L'affiche annonçant ce long métrage met en exergue la maxime « Qui sème la misère récolte la colère »...
"Le grand retournement" de Gérard Mordillat... sur DailyMotion.
C'est la crise, la bourse se casse la gueule, les banques sont au bord de la faillite, le crédit est mort, l'économie moribonde... Pour sauver leurs mises, les banquiers font appel à l'État. L'État haï est soudain le sauveur ! Les citoyens paieront pour que le système perdure, que les riches restent riches, les pauvres pauvres. Adapté de la pièce de Frédéric Lordon cette histoire d'aujourd'hui se raconte en alexandrins classiques. C'est tragique comme du Racine, comique comme du Molière...
C'est la crise, la bourse se casse la gueule, les banques sont au bord de la faillite, le crédit est mort, l'économie moribonde... Pour sauver leurs mises, les banquiers font appel à l'État. L'État haï est soudain le sauveur ! Les citoyens paieront pour que le système perdure, que les riches restent riches, les pauvres pauvres. Adapté de la pièce de Frédéric Lordon cette histoire d'aujourd'hui se raconte en alexandrins classiques. C'est tragique comme du Racine, comique comme du Molière...
Dans un entretien accordé à Rue89, Mordillat a dit :
Je trouvais géniale l’idée de s’attaquer à la crise financière et bancaire en alexandrins. Je suis convaincu qu’il ne faut jamais parler la langue de son adversaire. Nous sommes prisonniers du langage imposé par l’idéologie néolibérale : on parle du coût du travail pour ne pas parler des salaires, les représentants syndicaux sont taxés de « partenaires sociaux » et, mieux encore, les plans de licenciement sont devenus des « plans de sauvegarde de l’emploi ».Il y explique aussi que « une seule personne a contribué au financement : Vera Belmont, qui y a engagé ses propres fonds. »
Pour en savoir plus sur un film que nous n'avons pas encore eu l'occasion de voir ici, en Espagne, je vous suggère l'émission radiophonique de Là-bas, si j'y suis sur Le grand retournement. Pour l'écouter, cliquez sur le lien.
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(1) Frédéric Lordon a déclaré à Marianne (propos recueillis par Bertrand Rothé et publiés le jeudi 24 janvier 2013) :
« (...) il nous faut bien toutes les machines affectantes de l’art pour produire la conversion collective du regard seule capable de renvoyer le néolibéralisme aux poubelles de l’Histoire – où la crise historique que nous vivons aurait dû suffire à l’expédier. Comme vous savez, l’échec monumental du capitalisme néolibéral et l’effondrement dans lequel il précipite les populations n’a nullement conduit à sa disqualification doctrinale et morale comme l’aurait voulu un monde réglé par des normes minimales de décence intellectuelle et politique. Il faut donc envisager d’autres moyens, et sans doute ce « passage au théâtre » procède-t-il de la maxime qui devrait nous servir de viatique politique pour une époque obscène : faire flèche de tout bois. »
(2) Titre qui suggère, inévitablement, The Great Derangement, du journaliste étasunien Matt Taibbi.
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