Tous nos produits sont adultérés pour en faciliter l'écoulement et en
abréger l'existence. Notre époque sera appelée l'âge de la falsification (...).
Paul Lafargue : Le Droit à la paresse, ch. III, 1881.
Longue époque, cher Paul...
Les Amis de la Terre est une association de protection de l’Homme et de l’environnement, créée en 1970, qui mène des campagnes sur les changements climatiques, la protection des forêts tropicales, la responsabilité des acteurs financiers et des entreprises, l’agriculture et les OGM.
Les Amis de la Terre ont publié en décembre 2012 un rapport pour dénoncer l'Obsolescence programmée des produits de haute technologie, c'est-à-dire, leur caducité préméditée, leur désuétude planifiée. Ou Comment les marques limitent la durée de vie de nos biens. Ce rapport est disponible en pdf sur le lien précédent. On y apprend, par exemple, qu'environ 100 000 tonnes de déchets électriques et électroniques "sont dus à l'absence de chargeur universel".
Production, consommation et fin de vie des objets "high-tech", "vite achetés, vite jetés", sont décortiquées par Les Amis de la Terre dans un portail ad-hoc intitulé Les dessous de la HighTech où vous trouverez données, explications, vidéos et liens pour en savoir plus :
Métaux | Destructions | Travailleurs |
Surconsommation | Innovation | Obsolescence |
Incinération | Exportation | Stockage |
LIMITONS LA CASSE
Entretien | 2e vie |
Source : Les dessous de la HighTech, par Les Amis de la Terre
Donc, en vue de doper les ventes, la durée de vie des appareils des technologies de pointe tend à se réduire : "les producteurs de produits high-tech ont (...) développé différentes stratégies pour réduire techniquement la durée d'usage de leurs appareils", souvent difficilement réparables ou rapidement obsolètes pour des raisons logicielles. Ainsi "Apple a été le premier à mettre sur le marché un produit avec une batterie intégrée". Les Étasuniens "se sont sentis trompés car leur iPod avait une durée de vie limitée à celle de sa batterie, c'est-à-dire 18 mois". Où le mot usure exhibe impudiquement son double sens...
Voyons, usure provoquée ? dégradation volontairement accélérée ? Rappelons que les dictionnaires associent la détérioration volontaire d'édifices ou monuments publics ou des objets d'utilité publique au vandalisme, tout simplement. Donc, toute dégradation programmée industriellement serait une manière de vandalisme à l'échelle industrielle --doublé, comme on va voir, d'un vandalisme humain et écologique de première importance.
En effet, la surconsommation rend idiot (il y a beaucoup de "consommateurs" qui pensent qu'ils n'ont pas payé leur portable) et entraîne énormément d'exploitation humaine et de destruction environnementale.
Côté humain, la dégradation est évidente, surtout dans les pays où les protections légales sont plus faibles pour les travailleurs : cadences infernales, heures supplémentaires non payées, humiliations, salaires ridicules..., suicides. En outre, la forte demande de coltan a par exemple financé pendant des années une guerre en République démocratique du Congo. Et l'exploitation du lithium, dont l'extraction comporte d'autres dégâts pour le milieu naturel, est une horreur pour les populations locales concernées en Argentine, au Chili ou en Bolivie, car elle se traduit souvent par un conflit autour de l'usage de l'eau dans des régions qui sont déjà très arides.
Quant à l'aspect purement écologique, les émissions de CO2 liées au cycle de vie de ces nouveaux gadgets, toujours plus nombreux et plus utilisés, sont globalement en hausse. En France, verbi gratia, "la consommation énergétique des produits high-tech est évaluée à 13,5 % du total de la consommation électrique, soit 5 % des émissions de gaz à effet de serre. La demande d'énergie de ces produits en raison de l'augmentation du nombre de produits (smartphones, tablettes, ordinateurs) et de l'usage plus intensif qu'il en est fait ne cesse d'augmenter, cette croissance est de l'ordre de 5 à 10 % par an". Sans compter les risques relatifs à l'exposition humaine et animale aux champs électromagnétiques émis par nos équipements et nos multiples installations.
En matière de substances dangereuses, Jeff Gearhart, directeur de recherches à l’Ecology Center, affirme que « chaque téléphone testé contient au moins un de ces produits toxiques dangereux : plomb, brome, chlore, mercure et cadmium ».
En plus, le recyclage de ces appareils a commencé très tard et son taux est encore trop bas : figurez-vous qu'en 2009, il n’était que de 10 % pour les téléphones portables. En même temps, l'exportation illégale de déchets technologiques se poursuit, notamment vers l’Afrique de l’Ouest et l’Asie.
Le rapport des Amis de la Terre se termine par une conclusion...
Au final, les innovations sont uniquement orientées vers la vente de nouveaux produits et non vers l'allongement de la durée de vie et la gestion de la fin de vie des produits. La concurrence entre les différents acteurs de la high-tech ne peut justifier un tel choix dans un contexte où les ressources s’épuisent et le renouvellement fréquent de nos appareils impliquent davantage d’impacts négatifs....et des recommandations :
Aux pouvoirs publics :
- Adopter une loi contre l'obsolescence programmée
- créant un délit d’obsolescence programmée pour que le consommateur puisse se retourner contre les pratiques abusives de certaines entreprises ;
- allongeant la durée de garantie de 2 à 10 ans pour inciter les producteurs à produire durable et les consommateurs à faire réparer leurs produits ;
- donnant des informations substantielles du consommateur quant aux possibilités de réparation (durée de disponibilité des pièces détachées, informations sur le caractère réparable des produits, etc.).
- Mesurer l’utilisation des ressources nécessaires à la production et adopter des objectifs de réduction
Aux entreprises :
- Mettre sur le marché des produits réparables et durables.
- Etendre la durée de garantie contractuelle.
- Publier la liste des matières premières, notamment des métaux dans les produits, et leur origine.
Aux citoyens :Une trublione très consciente de ce genre de problèmes les aborde régulièrement dans un blog qui pourrait bien vous intéresser. Son dernier post porte, par exemple, sur notre incroyable gaspillage alimentaire. À cet égard, comme le rappellent presque tous les média francophones —en relayant une dépêche d'agence du 11 janvier—, les êtres humains disposent chaque année de 4 milliards de tonnes de nourriture mais, selon une étude de l'Institut du génie civil basé à Londres, "sur ces quatre milliards, 1,2 à deux milliards ne seront jamais consommés, soit près de la moitié. Les causes de ce gaspillage : des récoltes mal faites, des problèmes dans le stockage et le transport et l'irresponsabilité des distributeurs et des consommateurs".
- Faire pression sur les députés et sénateurs (en France via le site dessousdelahightech)
- Allonger la durée de vie de ses produits pour réduire l’impact de vos consommations
- Prendre connaissances des impacts environnementaux de ses produits high-tech en allant sur les sites www.produitspourlavie.org et www.dessousdelahightech.org
La connaissance, est-elle inutile ? Pensons sérieusement aux retombées de nos choix ou ça va barder vraiment sur la planète. Bien entendu, il nous faudra un double effort, collectif —et cela concerne les règles du jeu— et individuel.
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